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Repenser l’avenir des OBNL au Québec: les fusions, une solution?

Par Laurent Morisset, MBA, fondateur et conseiller stratégique chez OBNL360
20 ans d’accompagnement du milieu des OBNL

Au Québec, environ 65 000 organismes à but non lucratif (OBNL) animent notre vie sociale, culturelle et communautaire. Y sont employés des dizaines de milliers de professionnels et des centaines de milliers de bénévoles. Ils répondent à des besoins essentiels que ni l’État ni le marché ne comblent.

Derrière cette vitalité apparente, le constat est inquiétant. En 2025, beaucoup d’OBNL vivent une situation de fragilité structurelle: compressions budgétaires, épuisement du personnel, recrutement difficile, perte de repères stratégiques, attentes accrues des bailleurs de fonds. Plusieurs fonctionnent avec des budgets insuffisants, des directions surmenées et des équipes bénévoles essoufflées.

Le paradoxe est criant: jamais les OBNL n’ont été aussi nécessaires et jamais ils n’ont été aussi vulnérables.

Le temps n’est plus à l’optimisation: il est à la transformation

Longtemps, la recette a semblé claire: «faire plus avec moins». Les demandes de subventions ont été coupées, rationalisées, multipliées, les investissements en infrastructures repoussés et les décisions difficiles retardées. Les conseils d’administration et les directions ont improvisé, avec courage et résilience. Ce modèle ne fonctionne plus.

Le financement public ne reviendra pas à ses niveaux d’autrefois. Les donateurs, plus sollicités, exigeants et attentifs aux résultats, rendent la philanthropie sous pression. La relève est plus rare: les jeunes veulent contribuer, pas à n’importe quel prix, ni au détriment de leur santé et équilibre de vie.

Dans ce contexte, continuer à fonctionner en vase clos devient un pari risqué. Le statu quo, autrefois confortable, devient une menace.

Fusions: un levier stratégique, pas un échec

Parler de fusion entre OBNL heurte souvent les sensibilités. On imagine immédiatement une perte d’identité, une mission sacrifiée, une absorption par le plus fort. Pourtant, ailleurs au Canada, en Europe et aux États-Unis, les regroupements et les fusions sont devenus des leviers de survie et parfois même de croissance.

Fusionner n’est pas échouer, mais plutôt un choix stratégique, réfléchi, mature. C’est accepter de mettre en commun des forces pour mieux servir sa mission, sécuriser ses services, attirer et retenir du personnel qualifié, retrouver un souffle collectif et augmenter son impact social.

Fusionner, c’est comprendre que l’union fait réellement plus que la force. S’entêter à rester seul peut fragiliser non seulement l’organisation, mais aussi la communauté desservie.

Des exemples bien réels

J’ai vu des OBNL qui n’arrivaient plus à suivre: manque de ressources humaines, difficultés à recruter, essoufflement des bénévoles. En décidant de s’unir, ils ont retrouvé une stabilité, ont pu mutualiser leurs expertises et donner un nouveau souffle à leur mission.

J’ai vu des conseils d’administration qui craignaient de «trahir» leurs fondateurs en explorant une fusion. Après des mois de dialogue et de préparation, ils ont compris qu’au contraire, c’était une façon de prolonger et d’amplifier leur œuvre.

Ces fusions réussies ne sont pas des histoires de disparition, mais de continuité et d’amplification. Une conviction simple: la mission est plus grande que l’organisation elle-même.

Bien sûr, certaines démarches n’aboutissent pas. Les visions divergent ou la confiance n’y est pas. Ces processus sont utiles: ils permettent de clarifier les forces, les limites et les aspirations des organisations.

Les enjeux humains: la dimension souvent oubliée

Les fusions ne se jouent pas uniquement dans des tableurs ou des organigrammes. La véritable complexité se trouve dans l’humain.

Fusionner, c’est conjuguer des histoires, cultures et identités. C’est aussi affronter des peurs, comme perdre un nom, une reconnaissance locale, un lien privilégié avec une communauté.

Une fusion réussie ne se décide pas dans un bureau fermé. Elle se construit dans le dialogue, l’écoute et la transparence. Elle exige du temps, du respect et une volonté commune de bâtir un avenir partagé.

Le rôle des bailleurs de fonds et de l’État

Les OBNL ne peuvent pas porter seuls ce chantier de transformation. Les bailleurs de fonds doivent cesser de financer la fragmentation et encourager les alliances. Trop souvent, les programmes de financement favorisent la multiplication des petits projets plutôt que leur consolidation. Résultat: une mosaïque d’initiatives essoufflées, plutôt qu’un réseau fort et cohérent.

Encourager les regroupements, soutenir les démarches de fusion, financer la transition organisationnelle: voilà des gestes pour bâtir un tissu communautaire plus résilient et plus durable.

Un appel à l’audace collective

L’avenir des OBNL ne se jouera pas uniquement dans les colonnes de budgets ou dans les rapports de reddition de comptes, mais bien dans notre capacité à faire preuve d’audace, à repenser nos modèles et à sortir de l’isolement.

Les OBNL ont toujours été des pionniers d’innovation sociale. Aujourd’hui, leur plus grand défi n’est peut-être pas d’innover dans les services, mais d’innover dans leur façon d’exister.

Ensemble, on va plus loin.

Des besoins en stratégie? Nous sommes là.